Macron ouvre les portes du pouvoir à l’extrême droite

L’urgence de la situation politique que connait le pays depuis les résultats des élections européennes plaçant très nettement en tête des suffrages exprimés le RN, parti d’extrême droite, et la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Macron, a rendu le danger de l’accession au pouvoir du RN plus réel, imminent.

Un bloc de gauche s’est très rapidement construit sous la pression d’une base constituée d’organisations syndicales, d’associations et d’une attente populaire, et avec la crainte en haut de perdre ses sièges au Parlement. Ce Nouveau Front Populaire s’affiche comme l’alternative électorale à l’extrême droite et aux macronistes. Il n’en demeure pas moins qu’au-delà des appels à la mobilisation des forces de gauche pour aller voter, une nécessaire analyse de fond doit s’opérer.

Le cirque médiatique aux mains de quelques milliardaires dont les intérêts sont antagonistes à ceux de l’intérêt général de la population a tôt fait de chercher à présenter le paysage politique dans une sorte de triptyque : un bloc étiqueté d' »extrême gauche » rassemblant les partis de la coalition « Nouveau Front Populaire », le NPA et LO – un bloc autour de la Macronie intégrant ce qui reste du centre droit et une partie de LR – et le bloc d’extrême droite incarné par le RN, mais aussi Reconquête, Debout la France et certaines franges de LR. Cette simplification du champ politique de notre pays que construisent les médias dominants vise à brouiller la réalité.

Or, il y a derrière ce découpage une réalité qu’il convient de mettre en lumière. Celle qui consiste à avoir une lecture à partir des intérêts de classes qui s’affrontent. Ce qui s’oppose, ce ne sont pas trois « blocs », mais deux : celui incarnant des imaginaires politiques et des valeurs cherchant à proposer des changements politiques, sociaux, démocratiques et écologiques plus ou moins radicaux visant à proposer d’autres bases programmatiques que celles de la société capitaliste en crise. Et, de l’autre, celui qui veut poursuivre une fuite en avant réactionnaire combinant les orientations du macronisme, du centre droit et de LR et du FN/RN. Ce bloc réactionnaire défend les intérêts du grand capital qui entend pouvoir poursuivre son accumulation et son exploitation humaine et environnementale sans entrave, y compris par la force et en stigmatisant les étrangers et étrangères, les immigrés et immigrées et les minorités, véritables bouc-émissaires, afin de tromper les classes populaires, les travailleurs et travailleuses qui subissent les choix politiques et économiques de ce bloc réactionnaire.

On retrouve ici ce qu’Engels avait déjà analysé de manière lucide à propos de ce que le système capitaliste et la classe dominante engendrent en temps de crise systémique, « La société bourgeoise se trouve devant un dilemme : ou le passage au socialisme, ou la rechute dans la barbarie ». (Engels F., cité par Rosa Luxembourg, La crise de la social-démocratie, 1915).

Il convient donc de démasquer le subterfuge, ce qui permet aussi de comprendre le positionnement des médias dominants – pas seulement ceux dans les mains de l’empire Bolloré – qui cherchent par tous les moyens à brouiller l’esprit des électeurs et des électrices et à masquer cette réalité de fond.

Le bilan du macronisme :

Ainsi, le quatuor Macron / Attal / Darmanin / Le Maire laisse derrière lui un bilan qu’il convient ici de rappeler pour bien comprendre les origines communes du péril que constitue l’extrême droite. Dans cette co-production de la misère sociale, du sentiment d’abandon et de déclassement de fractions entières de la population, l’extrême droite (et le RN notamment) a su capter le ressentiment d’une partie toujours plus importante de la population sacrifiée sur les logiques du capital des politiques menées par la majorité macroniste ces dernières années. Ces logiques sont justement soutenues par des votes à l’Assemblée Nationale tant par les députés LR que RN, et largement saluées par un patronat soucieux de garantir toujours plus de dividendes aux actionnaires et le nécessaire accroissement des profits.

Une quadruple dégradation peut se lire comme conséquence directe d’une politique scrupuleusement suivie depuis 7 ans maintenant qu’E. Macron est au pouvoir pour le profit de quelques dominants et au détriment de l’intérêt général du pays, des classes populaires, des travailleurs et travailleuses et des services publics.

  • La dégradation sans précédent des finances publiques. La conséquence directe du désarmement fiscal organisé de l’État au détriment de la majorité de la population et des services publics, pour le profit des plus riches a creusé les déficits publics et a augmenté les inégalités sociales. Cela a amputé les recettes fiscales de l’Etat et creusé les déficits publics. Ainsi, les déficits publics sont passés de 2,3 % du PIB en 2018 à 5,18% du PIB en 2023. Cette hausse des déficits a lieu alors même que les moyens des services publics ont été réduits, les salaires des fonctionnaires gelés, les emplois supprimés et que les populations socialement les plus dépendantes de ces services publics, notamment dans les zones péri-urbaines et rurales se sont senties abandonnées, déclassées dans un contexte économique difficile. Dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la justice, la politique de rigueur s’est imposée alors même que la crise du COVID, mais aussi l’inflation ont particulièrement dégradé la situation sociale de la population.
  • La dégradation de la situation se nourrit aussi de l’échec flagrant de la politique de l’offre qui a été menée envers et contre tous. La hausse du taux de marge des entreprises est ce point de vue très évocateur. Il est passé de 30, 8 % en 2017 à 32, 7% en 2023 avec à la clé un record absolu de distribution de dividendes. Dans le même temps, il convient de constater que la baisse organisée des rentrées d’argent public par l’impôt bénéficie aux plus riches. Ainsi, les 500 plus grandes fortunes en France ont vu augmenter leur richesse du fait des baisses d’impôts avec la suppression de l’ISF, des niches fiscales et autre flat-tax de manière considérable : ces 500 plus grandes fortunes en France totalisent une richesse de 1170 milliards d’euros aujourd’hui (soit 45% du PIB), alors qu’elles totalisaient une richesse de 200 milliards d’euros il y a 10 ans (soit alors 10% du PIB) [sources : https://www.challenges.fr/classement/classement-des-fortunes-de-france/les-500-fortunes-de-france-cumulent-1170-milliards-deuros-en-2023-du-jamais-vu_860748]. A cela s’ajoutent les quelques 200 milliards d’euros octroyées aux entreprises sans contrepartie, ni condition d’investissement et d’emploi ou de hausse de salaires. L’injustice fiscale et l’injustice sociale sont sans commune mesure.
  • La dégradation du contexte social. La France, 7e puissance économique mondiale, compte en 2022 environ 9,1 millions de pauvres (personne gagnant au plus 1 158 euros par mois pour une personne seule, source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7710966). Ce chiffre traduit la dégradation sociale que vivent de nombreuses personnes en France. Toutes les réformes mises en place ces dernières années par le gouvernement Macron, les députés macronistes et les supplétifs de droite LR et de l’extrême droit du RN à l’Assemblée Nationale n’ont eu de cesse de stigmatiser les personnes les plus précarisées en les considérant comme des « assistés », ou comme « fraudeurs à l’aide sociale » et mettant en place des réformes de l’assurance chômage, de l’assurance maladie, le déremboursement, la baisse des APL, tout en grignotant le pouvoir d’achat des ménages par le laisser-aller tarifaires des énergies (gaz, électricité, carburants), par le décrochage des salaires et pensions dans un contexte inflationniste. Et, enfin, en imposant à force de recours au 49.3 une réforme du système des retraites, injuste ajoutant 2 années supplémentaires en fixant le départ à 64 ans. Toutes ces mesures se sont accompagnées avec un discours méprisant et stigmatisant envers «les gens qui ne sont rien » (Macron, 28 juin 2017) et envers les étrangers que la loi immigration portée jusqu’au bout avec les députés LR et RN présente comme des suspects qu’il convient de rejeter dans une République de plus en plus illibérale, autoritaire et coercitive.
  • La marche vers la guerre. La loi de programmation militaire a coûté 413 milliards d’euros, des sommes en constantes hausses depuis sept ans ; dans ce cas, l’argent coule à flot, tandis que les classes et les lits d’hôpitaux ferment. Les livraisons d’armes à Israël et les menaces d’envoi de troupes françaises en Ukraine s’accompagnent d’une militarisation de la jeunesse, avec la mise en place du Service National Universel (SNU). Les récents événements en Kanaky indiquent que le gouvernement veut poursuivre et accentuer l’emprise coloniale sur le peuple kanak.

Dans ce rapide bilan du Macronisme au pouvoir, il en ressort toute une série de lignes cohérentes. La dédiabolisation de l’extrême droite, la reprise méticuleuse de ses idées, de sa grammaire, de son vocabulaire dans les lois immigration et séparatisme, le projet de revenir sur le droit du sol, la chasse aux plus pauvres traités « d’assistés », le refus d’augmenter les salaires au profit d’une baisse des cotisations sociales ouvrant la voie à la destruction de la Sécurité sociale, la remise en cause du statut de la fonction publique, les attaques de différents niveaux contre le service public de l’audiovisuel, le mépris des syndicats et des associations, la promotion des « hiérarchies naturelles », les flirts communs avec le concept de « préférence nationale », la répression des syndicalistes comme des écologistes, les campagnes contre tout mouvement d’émancipation, y compris dans les universités au détriment des libertés académiques. La répression contre toutes celles et tous ceux qui ont cherché à s’opposer à cette fuite en avant de ce dangereux programme commun entre E. Macron et M. Le Pen.

Certains avaient cru que l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 serait un rempart contre l’extrême droite ; il est aujourd’hui clair qu’il n’en a rien été. Au contraire, son mandat a contribué à la banalisation des idées et de la phraséologie du Front/Rassemblement National dans le champ politique. En réhabilitant des figures tutélaires du lepénisme comme Pétain ou Maurras, en faisant voter des lois anti-sociales, voire xénophobes (Loi Immigration) avec le concours du Rassemblement National, il a ouvert la porte à des discours violents de plus en plus décomplexés au sujet des minorités et des classes populaires.

Dans ce contexte quelle est l’alternative, que voulons-nous ?

« La CGT ne présente pas de candidat.e.s aux élections législatives et compte bien exercer pleinement son rôle syndical de construction du rapport de force et d’interpellation des élu.es politiques. Rien ne sera jamais acquis sans la lutte. Dès le lendemain du second tour, le 8 juillet les nouveaux élus seront sous surveillance sociale. » (Déclaration du CCN de la CGT)

Ainsi, la CGT propose aux salarié·es de s’organiser dans tous les lieux de travail pour gagner sur nos revendications :

  • Augmentation immédiate des salaires, du Smic, des retraites et des minima sociaux. Indexations des salaires sur les prix ; 
  • Mesure concrète pour l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ;
  • Des moyens pour améliorer les conditions de travail dans les entreprises et les services, en commençant par le rétablissement des CHSCT ;
  • Renforcement de la Sécurité sociale protectrice des citoyen·nes ;
  • Abrogation de la réforme des retraites et retour à la retraite à 60 ans et départs anticipés pour les métiers pénibles ;
  • Amélioration de l’indemnisation des salarié·es frappé·es par le chômage ;
  • Des moyens et des recrutements pour l’hôpital public et les réseaux de soins ;
  • Des moyens et des recrutements pour l’école publique (de la maternelle à l’université) et la recherche publique et abrogation de la réforme « choc des savoirs » ;
  • Ouverture de crèches et de PMI
  • Politique de relance de la production, de la relocalisation et de l’emploi industriel pour le progrès social et environnemental ;
  • Renforcement de tous les services publics et lancement de grands travaux environnementaux (énergie, transports, logement, de l’eau… investissement dans l’agriculture de proximité et de qualité) ;
  • Garantie des mêmes droits pour un même travail : régularisation des travailleurs et travailleuses sans papiers ; 
  • Mesures de justice fiscale (taxe sur les grandes fortunes, les profits, les rachats d’actions, progressivité de l’impôt…).

Personne ne nous fera de cadeaux : en plus de la pression populaire pour les élections législatives,

les solutions reposent aussi sur notre implication en commençant par nous syndiquer pour nous organiser.

Pour arracher ces progrès sociaux, nous devons nous organiser avec nos syndicats pour porter nos revendications

et n’exclure aucun mode d’action pour gagner – y compris la grève.

La CGT appelle les salarié·es à un sursaut et à se mobiliser pour le progrès social !

CGT Ferc-Sup université de Caen, 28 juin 2024